De la micromécanique à la politique : portrait du maire sortant de Besançon
D’ouvrier, fils de paysan, à maire d’une
ville de plus de 100 000 habitants, en passant par député, Jean-Louis
Fousseret a fait du chemin. A la tête de l’exécutif municipal de la capitale
Franc-comtoise depuis 2001, il a choisi de ne pas se représenter aux
municipales de 2020, comme un maire sur deux. Rencontre avec cet homme
politique qui n’était pas destiné à l’être.
Jeudi
6 février, il est 10h27 sur l’esplanade des droits de l’homme, face au bâtiment
B de la mairie. L’air frais de Besançon ferait presque oublier la chape de
plomb parisienne. Les 2 petits degrés cinglent les joues. Les 7 collines
entourant la ville invitent à quitter les rues minérales pour se frotter à
l’humidité de la forêt. Pourtant, l’heure n’est pas à la flânerie. A Besançon,
comme dans beaucoup d’autres villes françaises, la vie politique locale
s’apprête à vivre un séisme. La République en Marche (LREM), particulièrement en
position dangereuse à ce niveau, rencontre de grandes difficultés pour
présenter des candidats dans certaines villes, lorsqu’ils ne sont pas deux à se
disputer l’investiture ailleurs.
« On se donne 20 minutes. Ça vous
va ? ». Le 1er contact est conventionnel mais cordial. La
poignée de main est digne d’un politique. A l’intérieur du bureau de Jean-Louis
Fousseret, les cartons se remplissent petit à petit. « J’ai commencé à
ranger mes affaires et je m’apprête à laisser la place à mon successeur qui, je
l’espère, sera une femme ».
A 72
ans, et après 37 ans de vie politique, Jean-Louis Fousseret se prépare à léguer
son poste. « En 2014 j’ai dit : c’est le dernier. En plus, j’ai
vieilli ! » rigole-t-il. Plus sérieux, il ajoute : « Ma décision
est irrévocable. Personne n'est irremplaçable ».
Dans
la ligne partisane du parti présidentiel dont il est membre, Jean-Louis
Fousseret rêve d’un coup de frais pour Besançon : « Il faut des
visages nouveaux, des gens neufs. Il ne s’agit pas de tout bouleverser, mais de
continuer ce qui a été entrepris avec la vision du nouveau maire. La vision
d’une femme sera peut-être plus pragmatique. Je crois que les femmes doivent
apporter beaucoup à la politique ».
En
disant cela, il sait qu’il a déjà misé. Sur une candidate « sans étiquette », car ancienne
membre LREM, qui plus est. Pour
représenter le parti présidentiel dans cette ville du nord-est de la France, le
dévolu a été jeté sur Eric Alauzet. Un choix que le maire sortant n’a pas
suivi. Il a décidé de soutenir fermement Alexandra Cordier, son ancienne attachée
de presse, exclue par LREM en décembre 2019. « Je ne suis pas
en désaccord avec LREM, mais avec la commission d’investiture »
nuance-t-il.
Cette
entaille politique ne l’empêche pas de se projeter dans l’avenir : « Maintenant,
je vais essayer de faire autre chose. Je vais aider les associations, je ne
m’occuperai plus de la politique. Mais si le maire ou la maire a besoin, je
serai là pour aider à faire avancer la ville ».
Jean-Louis Fousseret, maire de Besançon depuis 2001, à son bureau.Crédit Photo : Lili PILLOT. |
« Je n’étais pas programmé pour être maire de Besançon.»
Quand
vient le moment d’évoquer son passé, le visage de Jean-Louis Fousseret
s’éclaircit. Après des études en micromécanique à l’Ecole Nationale de
l’horlogerie et son service militaire de 1966, ce fils de paysans travaillera
pendant 30 ans en tant que technicien en informatique chez NCR. « Je ne suis pas un ancien élève des grandes Ecoles genre
l’ENA ou Sciences Po Paris. Quand je suis né, je n’étais pas programmé pour
être maire de Besançon. Je suis avant tout militant associatif» confie-t-il.
Il
insiste en regardant droit dans les yeux : « Je ne suis pas né pour
ça. Mais je voulais participer au changement de la ville ».
En
parallèle, il s’engage dans l’associatif, puis finira par rejoindre le Parti socialiste (PS)
: « C’était ma conviction profonde, et celle de ma famille ». Fièrement, il décrit son militantisme et sa
rencontre avec Robert Schwint, l’ancien maire de Besançon. « Il m’a repéré
et il m’a dit : viens dans mon équipe ! ».
Petit
à petit, Jean-Louis Fousseret participe à de grands rassemblements politiques. «
J’ai organisé des événements comme la Fête de la rose. Pendant 2 jours, il y
avait 10 000 personnes ». C’est en 1983 qu’il entre officiellement dans
la vie politique en devenant l’adjoint de Robert Schwint, avec Paulette
Guinchard.
Robert Schwint, ancien maire de Besançon (à gauche) et Jean-Louis Fousseret, son successeur en 2001.Crédit Photo : Ville de Besançon. |
23
ans après son élection à la députation, les mots continuent de lui manquer :
« Encore aujourd’hui, je ne peux pas en parler sans être ému ... » confesse-t-il à demi-mots.
Cette
ascension sociale aura été un choc. Mais son père saura lui faire garder les
pieds sur terre : « Quand je perds la députation en 2002, il m’a
dit : tu sais Jean-Louis, ce n’est pas grave. Sois en bonne santé ». Avec
pudeur, Jean-Louis Fousseret reconnaît ne pas vouloir s’attarder sur le sujet.
Les remarques font parfois mal : « Quand je pense qu’on me traite de
bourge … ».
« Je suis un éco-progressiste. »
Derrière
son grand bureau d’angle, Jean-Louis Fousseret a mis en évidence plusieurs
photos. Sur certaines, il serre
chaleureusement la main d’Emmanuel Macron. Le maire de Besançon fait partie des
premiers grands soutiens du mouvement En marche ! . Lorsque le PS perd les
législatives de juin 2017, et que les députés LREM arrivent en majorité à
l’Assemblée nationale, Jean Louis Fousseret officie sa démission auprès du PS
en revendiquant son appartenance au jeune parti présidentiel. « Ce que
j’aime bien dans LREM, c’est qu’il y a des bonnes idées à gauche et à droite
avec une touche de nouveau ».
Jean-Louis Fousseret (à droite) et Emmanuel Macron, à l’occasion de
l’inauguration du nouveau Musée des Beaux Arts de Besançon, le 16 novembre
2018. Crédit Photo : Ville de Besançon.
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Il
entend les critiques faites au macronisme. Mais pour lui, ce n’est que méprise.
D’un revers de la main, il balaie les critiques : « Je pense qu’il y a
des erreurs : ce que fait le Président aujourd’hui, c’est ce qu’il avait
annoncé dans son programme. Il n’a jamais caché qu’il y aurait un régime
universel des retraites. Je pense qu’il faut effectivement plus d’égalité. Il faut
à la fois une économie qui progresse et qui protège. Moi ce que je veux, c’est
faire en sorte que sur la liste les hommes et les femmes soient là pour faire
avancer la ville ».
Justement,
faire avancer la ville, c’est ce qu’il estime avoir réussi en 19 années de
mandats de maire. « Je suis satisfait de ce que j’ai fait. Quand des gens
de l’extérieur viennent ici, ils me disent que la ville est belle ».
Pour lui, sa formation y est pour quelque chose : « J’ai appris la
technicité à l’école d’horlogerie, à construire de façon carrée et ordonnée. On
m’appelle souvent le maire bâtisseur. Je dois avouer que la qualification me
plaît bien ».
« Ils s’imaginent qu’être maire, c’est une vie rêvée. »
Par
la fenêtre du bureau entrouverte, on perçoit le bourdonnement d’une
manifestation battant son plein sur l’esplanade. Au micro, une voix de femme
interpelle les politiques. Dans un haussement de sourcils presque las, Jean-Louis Fousseret soupire : « Tiens ça parle de moi ». Ce sont des
manifestants, gilets jaunes et syndicalistes, protestant contre le projet de
réforme du système des retraites.
A
Besançon, le mouvement contestataire, né en novembre 2018, a eu un écho
important. Pour Monsieur le Maire, la colère est concevable, mais le mouvement
a dépassé les bornes : « J’ai compris leur démarche. Ce sont des gens
en difficulté, mais ça a été récupéré par beaucoup d’anarchistes, de gens dont
le seul souci est de pouvoir renverser le système actuel ».
Son
fatalisme va aussi pour la situation professionnelle des maires : « La
population est très injuste avec eux. C’est un métier difficile. Ils
s’imaginent qu’être maire, c’est une vie rêvée, qu’ils sont tout le temps en
train de casser la croûte, ou au théâtre. Mais dans les petites communes, c’est
peut-être encore pire. Ils ont un énorme boulot. Plein de responsabilités.
Quand il y a un problème, c’est tout de suite le maire qui est sollicité. Moi
ça va, j’ai de bonnes indemnités, mais dans les petites agglomérations, ils
travaillent pour quelques centaines d’euros par mois, 24 heures sur 24 ».
Il
se lève de son fauteuil, puis se dirige vers la fenêtre entrebâillée. Il
observe les manifestants en contrebas. « Le pays doit se réconcilier. C’est
une situation qui ne me plaît pas. Non, ça ne me plaît pas du tout ».
Lili PILLOT
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